«Seul un processus soutenu collectivement permet de dégager des solutions.»
Sep.. 2011Santé et culture
6 questions à Jakob Huber. Jakob Huber est directeur de Réseau Contact Berne et président du Groupe d’experts Formation Dépendances (GFD). Il est en quelque sorte le «père» de l’Académie des dépendances dont l’objectif est de donner des impulsions et d’accompagner des processus d’apprentissage sociétal en lien avec des questions de dépendances.
spectra: En quoi l’académie des dépendances se distingue-t-elle des autres congrès?
J. Huber: l’Académie des dépendances axe principalement sa réflexion sur l’apprentissage sociétal ou collectif. L’apprentissage sociétal vise à acquérir des compétences de coopération pour analyser des problèmes complexes et élaborer des solutions. Il devient possible de mieux comprendre les activités d’autres acteurs et de les prendre en compte activement. À la différence de l’apprentissage individuel, groupal ou organisationnel, le groupe-cible n’est pas limité. Les questions centrales sont les suivantes: Comment la société civile apprend-elle? Comment la population peut-elle être acquise à des changements positifs en matière de santé et d’intégration sociale? Quelles sont les interventions aptes à initier et ancrer des processus de réflexion ou de changement dans un système de société multipolaire?
Comment caractérisez-vous l’esprit de l’Académie des dépendances en général, et celui de l’Académie des dépendances 2011 en particulier?
Chacun-e d’entre nous n’est qu’une partie d’un processus social en changement permanent. Personne n’a l’apanage de la légitimité pour l’interpréter ou le guider. Seul un processus soutenu collectivement permettra de dégager et de mettre en œuvre des solutions pour les problèmes présents et futurs. La troisième Académie des dépendances 2011 a montré que l’idée fondamentale de l’académie des dépendances est parvenue à s’établir. Dès lors plus besoin de justifier le champ de réflexion. Respect mutuel et recherche commune de solutions ont favorisé le dialogue sous le soleil tessinois.
Comment est conçue cette plate-forme de dialogue, quelle est la méthode didactique?
L’académie des dépendances est conçue comme un congrès-atelier. Le programme est ainsi conçu qu’il permet de ménager suffisamment d’espace aux idées nouvelles et à un processus de réflexion collectif. Outre les contenus professionnels et de politique des dépendances qu’elle dispense, l’Académie s’entend pour ainsi dire comme le miroir d’un champ de forces sociales dans lequel peut avoir lieu un apprentissage sociétal. Le processus vécu met en lumière les écueils qui ralentissent un processus de négociations constructif et les interventions nécessaires pour atteindre un résultat cautionné par tous. La formation moderne des adultes nous apprend qu’un équilibre sain entre la transmission du savoir et la coopération interactive permet d’atteindre les effets d’apprentissage les plus durables. La présence sur place pendant trois jours, complétée par un programme culturel attrayant, renforce sensiblement ce processus.
Les participant-e-s sont invité-e-s à titre personnel. Comment les sélectionnez-vous?
Le GFD veut, au travers de l’Académie des dépendances nationale, promouvoir les échanges directs entre les milieux politiques, les médias, la recherche, l’administration et la pratique. Tous les deux ans, nous choisissons pour l’Académie un sujet qui fait l’actualité dans
la politique des dépendances. Entre deux académies, les professionnel-le-s poursuivent le débat et consolident les idées au niveau régional. Pour le Monte Verità, le cercle des participant-e-s a été sciemment choisi de manière à refléter à la fois les différentes formes de dépendances et les principaux domaines sociaux liés à la question. Les critères de sélection doivent aboutir à une bonne représentation des deux sexes, de tous les âges, et de toutes les régions. Le choix incombe au groupe de projet.
Pourquoi ce congrès a-t-il lieu au Monte Verità, un lieu moins facile d’accès que d’autres centres de congrès dans les grandes villes?
En organisant l’Académie des dépendances sur le Monte Verità, au-dessus d’Ascona, le GFD poursuit trois objectifs: d’abord, le Monte Verità est un symbole, celui d’un espace d’expérimentation historiquement important, qui a donné naissance à de nombreux élans sociaux, dès la fin du 19ème siècle. La localisation, l’ambiance du sud et la montagne font naître un lien presque naturel avec l’action, un sentiment de liberté que bon nombre de visiteurs apprécient, par contraste avec leur quotidien professionnel surchargé. Ensuite, il est important pour le déroulement de l’académie que les participant-e-s acceptent le processus global. Les différents éléments du programme sont liés entre eux, établissent des interactions et accordent un poids particulier à l’échange informel. C’est pour cette raison que la localisation est importante. Et enfin, c’est l’occasion de mettre en valeur cette région de la Suisse largement négligée jusqu’ici par les formations en matière de politique des dépendances. L’Académie des dépendances reçoit le soutien moral et financier du canton du Tessin.
Quelles interventions ou quels projets présentés dans le cadre de l’Académie des dépendances 2011 vous ont-ils laissé un souvenir particulier, en tant que moments symboliques?
Les efforts fournis pour établir des liens entre les perspectives théoriques et la transposition pratique, pour ramener la complexité sur terre. Le dialogue intergénérationnel au coin du feu qui a retracé l’histoire de la naissance de la politique drogue et qui restera gravé dans les mémoires. Les étals du marché des projets créatifs et novateurs, au soleil. L’ouverture et l’engagement des participants au cours de l’open space, en quelque sorte une forme d’espace public, pour dégager les principaux champs d’actions. La satisfaction que le dialogue a été possible et que le sujet de l’académie «Sécurité et intégration sociale dans l’espace public» n’a pas dérapé vers la répression. Bien au contraire même, les représentants de la police n’ont pas tari d’éloges sur l’efficacité du travail social en faveur de solutions dans l’espace public.